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Actualités du droit de la mobilité internationale
Eclairages - Publiée le 10 novembre 2017
Au cours de ces derniers mois, le droit de la mobilité internationale a connu quelques évolutions marquantes, essentiellement en ce qui concerne le détachement de salariés en France par une entreprise étrangère.
Actualités du droit de la mobilité internationale
Actualités du droit de la mobilité internationale
(Par Francis Collin, Avocat à la Cour de Paris, Villemot, Barthès & Associés)Au cours de ces derniers mois, le droit de la mobilité internationale a connu quelques évolutions marquantes, essentiellement en ce qui concerne le détachement de salariés en France par une entreprise étrangère.
S’agissant du régime juridique du détachement en général, y compris de salariés détachés à l’étranger, quelques décisions jurisprudentielles récentes méritent une attention particulière.
Le détachement en France et l’obligation de vigilance de l’entreprise d’accueil
La législation française (particulièrement la loi du 8 août 2016 et le décret du 7 mai 2017) a renforcé les obligations tant de l’employeur étranger (employeur d’origine) que de l’entreprise française (entreprise d’accueil en cas de détachement de salariés en France).
Ces règles s’appliquent également en cas de détachement intragroupe (exécution d’une prestation de services ou mise à disposition à but non lucratif au sein du même groupe) (L. 1262-1 du code du travail).
Le salarié détaché reste sous contrat avec son employeur établi à l'étranger qui lui verse sa rémunération. Il n'y a pas de lien contractuel avec l’entreprise ou l'établissement français qui l'accueille.
Pendant la durée du détachement du salarié en France, l'employeur étranger est soumis aux règles du droit du travail français dans les matières définies par l’article L. 1262-4 du code du travail (notamment en matière de rémunération, d'égalité professionnelle, de durée du travail, de conditions de travail et d’hébergement). En revanche, ne sont pas applicables aux salariés détachés les dispositions relatives à la conclusion et à la rupture du contrat de travail, la formation, la prévoyance, etc.
C'est le droit du pays d'origine des salariés détachés qui s'applique.
Avant le début de la prestation, l'employeur établi à l'étranger doit transmettre une déclaration de détachement à l'unité territoriale de la DIRECCTE du lieu où doit être effectuée la prestation (par voie dématérialisée via le téléservice « Sipsi » du Ministère du Travail).
L’entreprise d’accueil française doit vérifier que l'employeur d'origine a rempli ses obligations (obligation de vigilance). Elle doit lui demander, avant chaque détachement, une copie de la déclaration de détachement (R.1263-12-1 du code du travail), du document désignant le représentant en France et du formulaire d'affiliation à la sécurité sociale du salarié détaché en France.
Si l'employeur installé à l'étranger ne lui remet pas une copie de la déclaration de détachement, l’entreprise française doit adresser une déclaration subsidiaire de détachement à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation dans les 48 heures suivant le début du détachement (« déclaration subsidiaire de détachement » effectuée actuellement par formulaire puis exclusivement en ligne à partir du 1erjanvier 2018).
L’absence de déclaration expose l’entreprise française à des sanctions pénales et à la suspension de la prestation de services pendant 1 mois maximum.
Du point de vue du droit européen, rappelons qu’un projet d’accord pour réviser la Directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs est actuellement en discussion. Même si le sujet reste conflictuel entre les Etats de l’UE, une révision de la Directive dans les prochains mois reste possible et entrainera des modifications certaines dans la pratique des détachements transnationaux. A suivre attentivement…
La force probante du certificat A1 (ancien E101)
Un arrêt récent de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), rendu à la suite d’une question préjudicielle de l’assemblée plénière de la Cour de cassation, confirme la force probante du certificat E 101 (devenu A1 depuis les règlements européens n0 883/2004 et n° 987/2009) même si le certificat est manifestement invalide. (CJUE, 1ère ch. 27 avril 2017, aff 620/15, A-Rosa Flussschiff GmbH c/URSSAF d’Alsace).
« L’article 12 bis, point 1 bis, du règlement 574/72 fixant les modalités d’application du règlement 1408/71, doit être interprété en ce sens qu’un certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un Etat membre, au titre de l’article 14 § 2 a) du règlement 1408/71, lie tant les institutions de sécurité sociale de l’Etat membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet Etat membre, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que des conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le même champ d’application matériel de cette disposition. »
Cette décision est transposable dans le cadre du règlement 883/2004.
La seule issue réside actuellement dans la décision de l’institution émettrice de retirer ou d’annuler la délivrance du certificat. Une telle décision s’imposerait, à tout le moins, en cas de fraude. L’amélioration de la procédure de la délivrance et de contestation du certificat de détachement fait l’objet d’une réflexion de la Commission.
La rupture amiable du contrat de travail en cas d’expatriation à l’étranger
Comment organiser la rupture du contrat de travail français lorsqu’un salarié est transféré définitivement dans une autre société du groupe à l’étranger ?
Dans une décision du 15 octobre 2014, la Cour de cassation avait jugé invalide une rupture amiable intervenue entre un salarié et sa société d'origine à l'occasion d'un transfert intragroupe (Cass. soc, 15 oct. 2014, no 11-22.251). La Cour de Cassation avait précisé que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail ne pouvait intervenir que dans les conditions prévues par les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail relatifs à la rupture conventionnelle homologuée.
La Cour de cassation revient sur la solution de 2014 en admettant que les dispositions relatives à la rupture conventionnelle homologuées entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d'organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail (Cass. soc, 8 juin 2016, no 15-17.555). Cet arrêt, rendu au visa notamment l’article 1134 du Code civil confirme la possibilité d’une rupture amiable du contrat hors la rupture conventionnelle régie par les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail. Au cas d'espèce, il s'agissait d'un transfert intragroupe et la convention de transfert prévoyait une reprise d'ancienneté de la salariée, l'absence de période d'essai et une classification supérieure
Cette décision admet donc à nouveau la validité et l’efficacité juridique des conventions tripartites pour organiser le transfert des mutations au sein d’un groupe. Toutefois, dans le contexte particulier de la mobilité internationale, cette solution n’exclut pas l’intérêt, voire la nécessité, d’établir un document contractuel complémentaire avec le nouvel employeur (étranger) précisant le détail des conditions contractuelles (notamment, la loi applicable au contrat de travail).
S’agissant du régime juridique du détachement en général, y compris de salariés détachés à l’étranger, quelques décisions jurisprudentielles récentes méritent une attention particulière.
Le détachement en France et l’obligation de vigilance de l’entreprise d’accueil
La législation française (particulièrement la loi du 8 août 2016 et le décret du 7 mai 2017) a renforcé les obligations tant de l’employeur étranger (employeur d’origine) que de l’entreprise française (entreprise d’accueil en cas de détachement de salariés en France).
Ces règles s’appliquent également en cas de détachement intragroupe (exécution d’une prestation de services ou mise à disposition à but non lucratif au sein du même groupe) (L. 1262-1 du code du travail).
Le salarié détaché reste sous contrat avec son employeur établi à l'étranger qui lui verse sa rémunération. Il n'y a pas de lien contractuel avec l’entreprise ou l'établissement français qui l'accueille.
Pendant la durée du détachement du salarié en France, l'employeur étranger est soumis aux règles du droit du travail français dans les matières définies par l’article L. 1262-4 du code du travail (notamment en matière de rémunération, d'égalité professionnelle, de durée du travail, de conditions de travail et d’hébergement). En revanche, ne sont pas applicables aux salariés détachés les dispositions relatives à la conclusion et à la rupture du contrat de travail, la formation, la prévoyance, etc.
C'est le droit du pays d'origine des salariés détachés qui s'applique.
Avant le début de la prestation, l'employeur établi à l'étranger doit transmettre une déclaration de détachement à l'unité territoriale de la DIRECCTE du lieu où doit être effectuée la prestation (par voie dématérialisée via le téléservice « Sipsi » du Ministère du Travail).
L’entreprise d’accueil française doit vérifier que l'employeur d'origine a rempli ses obligations (obligation de vigilance). Elle doit lui demander, avant chaque détachement, une copie de la déclaration de détachement (R.1263-12-1 du code du travail), du document désignant le représentant en France et du formulaire d'affiliation à la sécurité sociale du salarié détaché en France.
Si l'employeur installé à l'étranger ne lui remet pas une copie de la déclaration de détachement, l’entreprise française doit adresser une déclaration subsidiaire de détachement à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation dans les 48 heures suivant le début du détachement (« déclaration subsidiaire de détachement » effectuée actuellement par formulaire puis exclusivement en ligne à partir du 1erjanvier 2018).
L’absence de déclaration expose l’entreprise française à des sanctions pénales et à la suspension de la prestation de services pendant 1 mois maximum.
Du point de vue du droit européen, rappelons qu’un projet d’accord pour réviser la Directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs est actuellement en discussion. Même si le sujet reste conflictuel entre les Etats de l’UE, une révision de la Directive dans les prochains mois reste possible et entrainera des modifications certaines dans la pratique des détachements transnationaux. A suivre attentivement…
La force probante du certificat A1 (ancien E101)
Un arrêt récent de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), rendu à la suite d’une question préjudicielle de l’assemblée plénière de la Cour de cassation, confirme la force probante du certificat E 101 (devenu A1 depuis les règlements européens n0 883/2004 et n° 987/2009) même si le certificat est manifestement invalide. (CJUE, 1ère ch. 27 avril 2017, aff 620/15, A-Rosa Flussschiff GmbH c/URSSAF d’Alsace).
« L’article 12 bis, point 1 bis, du règlement 574/72 fixant les modalités d’application du règlement 1408/71, doit être interprété en ce sens qu’un certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un Etat membre, au titre de l’article 14 § 2 a) du règlement 1408/71, lie tant les institutions de sécurité sociale de l’Etat membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet Etat membre, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que des conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le même champ d’application matériel de cette disposition. »
Cette décision est transposable dans le cadre du règlement 883/2004.
La seule issue réside actuellement dans la décision de l’institution émettrice de retirer ou d’annuler la délivrance du certificat. Une telle décision s’imposerait, à tout le moins, en cas de fraude. L’amélioration de la procédure de la délivrance et de contestation du certificat de détachement fait l’objet d’une réflexion de la Commission.
La rupture amiable du contrat de travail en cas d’expatriation à l’étranger
Comment organiser la rupture du contrat de travail français lorsqu’un salarié est transféré définitivement dans une autre société du groupe à l’étranger ?
Dans une décision du 15 octobre 2014, la Cour de cassation avait jugé invalide une rupture amiable intervenue entre un salarié et sa société d'origine à l'occasion d'un transfert intragroupe (Cass. soc, 15 oct. 2014, no 11-22.251). La Cour de Cassation avait précisé que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail ne pouvait intervenir que dans les conditions prévues par les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail relatifs à la rupture conventionnelle homologuée.
La Cour de cassation revient sur la solution de 2014 en admettant que les dispositions relatives à la rupture conventionnelle homologuées entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d'organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail (Cass. soc, 8 juin 2016, no 15-17.555). Cet arrêt, rendu au visa notamment l’article 1134 du Code civil confirme la possibilité d’une rupture amiable du contrat hors la rupture conventionnelle régie par les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail. Au cas d'espèce, il s'agissait d'un transfert intragroupe et la convention de transfert prévoyait une reprise d'ancienneté de la salariée, l'absence de période d'essai et une classification supérieure
Cette décision admet donc à nouveau la validité et l’efficacité juridique des conventions tripartites pour organiser le transfert des mutations au sein d’un groupe. Toutefois, dans le contexte particulier de la mobilité internationale, cette solution n’exclut pas l’intérêt, voire la nécessité, d’établir un document contractuel complémentaire avec le nouvel employeur (étranger) précisant le détail des conditions contractuelles (notamment, la loi applicable au contrat de travail).
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